article paru dans le Journal d'Uniterre de mars 2024
Depuis 6 ans, l'Association suisse des vignerons-encaveurs indépendants ASVEI mène avec obstination un mouvement d’opposition au nouveau contrôle de cave. Une opposition que l’attitude inflexible de l’OFAG et du conseiller fédéral en charge de la viticulture ne fait que renforcer.
En résumé, les fraudes commises par une grande entreprise de commerce de vins ont tout bousculé. A la place de sanctionner l’intéressé, l’OFAG a décidé de punir tout le monde en durcissant les exigences du Contrôle suisse du commerce des vins (CSCV), l’organisme désigné pour le contrôle de tout le secteur.
En 2002, les accords bilatéraux avec l'UE ont forcé l’OFAG à introduire un contrôle fédéral pour tous les producteurs de vin. Les vignerons-encaveurs - c’est-à-dire tous ceux qui ne vendent que leur propre récolte et n’achètent donc pas de raisin - avaient alors obtenu une exemption, les contrôles cantonaux étant suffisants et plus adaptés aux PME. En 2018, à cause de l’affaire mentionnée plus haut, l’OFAG a modifié l’Ordonnance sur la vigne et le vin afin de durcir ce contrôle et introduire pour les vignerons-encaveurs les mêmes exigences que pour le grand commerce, importateurs compris. Pour nous, ce fut la goutte qui a fait déborder la cuve. Ce changement implique encore davantage de charges administratives, davantage de contrôles ; nous n’avons déjà presque plus de terre sous les souliers, car nous passons notre temps au bureau.
Et pourtant, nous avons l’impression d’avoir tout fait juste. Nous avons répondu à la consultation sur le projet d’ordonnance en rappelant que nous sommes des producteurs et que, chaque année, nous livrons déjà toutes nos données aux autorités cantonales. Celles-ci reçoivent la liste de nos parcelles, avec les cépages cultivés, la densité-hectare, le volume récolté. Nous pouvons même affirmer sans hésitation être bien plus transparents que les grands commerces.
De plus, lors de la consultation, nous avions obtenu le soutien de toutes les organisations de la branche, faîtières et interprofessions. Toutes ont répondu de la même manière à la consultation: reconnaissez le statut des vignerons-encaveurs comme des paysan·nes de la vigne et reconnaissez qu’ils répondent amplement aux exigences de transparence. Malgré ce soutien de toute la filière, le Conseil fédéral a introduit, au 1er janvier 2018, la nouvelle ordonnance.
Il ne nous restait pas beaucoup de choix: soit baisser la tête, soit dire NON!
Plus de 80 vigneron·nes ont décidé de s'opposer à ce contrôle, malgré les risques. Depuis plus d'un an, notre recours est pendant auprès du Tribunal administratif fédéral*. En attendant sa décision, certains Cantons ont suspendu les poursuites, alors que d'autres s'acharnent contre les opposant·es (convocations au tribunal, amendes, menaces d'emprisonnement). Nous sommes décidé·es à mener ce combat jusqu'au bout et toujours plus de vigneron·nes rejoignent le mouvement.
Depuis longtemps nous demandons que la spécificité de notre profession soit reconnue, car il en va de la pérennité de nos exploitations. La Confédération ayant tendance à s'aligner sur les règlements européens, des exigences et des contrôles supplémentaires sont malheureusement à prévoir dans un avenir proche (étiquetage, exigences sanitaires, etc). La pression de ces charges administratives toujours plus lourdes poussent à l’abandon pur et simple de notre métier et de nombreuses petites caves artisanales sont sans repreneurs. Alléger la charge administrative permettrait d'encourager les nouvelles générations à reprendre les domaines qui font la fierté de nos régions et de notre pays.
Ce combat pour être reconnus comme paysan·nes de la vigne a une autre raison fondamentale. Nous mettre dans le même panier que les commerces comporte le grand risque de ne plus être autorisés à construire nos infrastructures en zone viticole, et de nous obliger à aller nous installer en zone artisanale.
par Willy Cretegny, président ASVEI.
*La décision du TAF est tombée au moment de boucler ce journal. Le recours de l'ASVEI est rejeté, plus d'informations prochainement.
Article paru dans le Journal d'Uniterre de mars 2024