imageASVEI - 27 juin 2025

Arrachage ou protection à la frontière ?

 

Dans toute la Suisse le constat est le même: la viticulture est en crise. Récemment encore, les médias ont parlé de rémunération ne couvrant pas les coûts (Agri 30.05.2025) et mis en avant l'arrachage de vignes comme une possible solution (Le Temps 28.05.2025)... Mais ces manières d'aborder le problème passent sous silence la cause majeure de cette crise et les moyens d'y remédier.

Dans la majorité des articles, les causes citées de la crise sont le manque de relève et la baisse de la consommation. Ces facteurs sont certes très importants, mais ils n'en sont pas la cause directe. Ils sont plutôt des effets secondaires et des facteurs aggravants de la cause principale de la crise, qui elle n'est quasiment jamais évoquée: la concurrence des vins étrangers.

Contingents "tarifaires" = concurrence déloyale

Les raisonnements sont biaisées, car ils se basent sur une fausse prémisse: les contingents "tarifaires" joueraient un rôle de protection à la frontière (voir Agri 30.05.2025). Or c'est le contraire: les contingents "tarifaires" ne font que renforcer la concurrence déloyale des produits étrangers. En effet, jusqu'à épuisement du contingent, les vins sont importés avec des taxes réduites, grâce auxquelles ils peuvent envahir notre marché à des prix indécents. Face à des vins à très bas prix. les encaveur·euses suisses ne peuvent pas régater, étant donné les coûts de production élevés (salaires, charges, loyers, assurances, etc.)

Les contingents "tarifaires" ne sont donc pas du tout une protection pour la production locale, bien au contraire, ils sont un boulevard ouvert sur le marché suisse. Ils aggravent une spirale de pression sur les prix, qui risque de pousser de nombreux·ses "paysan·nes de la vigne" à mettre la clé sous la porte de leur cave. Pourtant, avant que l’OMC s’en mêle (Uruguay Round 1994), il existait pour les produits agricoles un autre type de contingents permettant de soutenir la production locale.

Contingents "de volume" = un véritable outil de gestion de la ressource agricole

La confusion est fréquente entre contingents "tarifaires" et contingents "de volume".

Contingent "tarifaire": comme son nom l’indique, il s’agit d’un contingent dont le tarif est négocié, un tarif préférentiel "au prix plancher". Il s'agit donc d'un encouragement à l’importation.

Contingent "de volume": le volume accordé à l’importation est calculé sur la différence entre le volume de la consommation et celui de la production nationale. En cas de baisse de la production, causée par des aléas climatiques ou autres, l'attribution d'un contingent additionnel doit être votée par la Parlement. Il s'agit donc d'une véritable gestion des ressources locales.

Les Accords de l'OMC de 1994 ont obligé la Suisse à remplacer les contingents "de volume" par les contingents "tarifaires". Depuis, la production indigène de vin ne fait que perdre des parts de marché, alors qu'en parallèle on observe une baisse globale de la consommation de vin.

Fausses solutions

Augmenter les budgets alloués à la promotion des vins est certes nécessaire, mais ce n'est qu'un petit sparadrap sur une plaie, face aux montants que les pays voisins dépensent pour la promotion de leurs vins en Suisse.

Baisser encore les quotas de production ou arracher des vignes pour baisser les quantités produites ne sont pas des solutions positives et durables. Ces mesures ne feront qu'accabler davantage les vigneron·nes déjà passablement malmené·es et décourager les jeunes générations. La production de vin suisse ne couvre que le tiers de la consommation. Dans ces conditions, il n’y a aucune raison d’arracher nos vignes. Nous sommes des "paysan·nes de la vigne" et produisons des vins de qualité. Nous cultivons raisins et bonne humeur, choyons nos vins avec savoir-faire et nos client·es avec savoir-vivre. Il ne s'agit pas uniquement d'un produit consommable à soutenir, mais d'une culture et d'un patrimoine ancestral.

Pour une véritable protection à la frontière

Pour garder une production viticole de qualité, il faut réintroduire une protection efficace à la frontière, par le biais des contingents de volume. Pour ce faire, la Suisse devra rediscuter les termes des Accords de l'OMC.

En attendant, une première mesure est applicable rapidement : octroyer les droits d’importation uniquement aux marchands qui font l’effort de commercialiser des vins suisses. Cette mesure a déjà été introduite par le Conseil fédéral pour le secteur de la viande en 2014 et nous demandons qu'elle soit appliquée au vin. Nous demandons que les parts du contingent tarifaire soient attribuées selon les prestations à la production suisse. Il faut inciter les importateurs à commercialiser des vins suisse pour renforcer le marché indigène.

Cette mesure de protection dépend uniquement de la volonté de nos autorités fédérales. Ces dernières affichent leur volonté de soutenir "circuits courts, proximité, limitation des transports, maintien de savoirs-faire, entretien du paysage, etc. etc."

Arrêtons avec les discours et passons à l’action!

 

 

 

 

Liens:

"L'arrachage de vignes n'est plus tabou" - Grégoire Baur - Le Temps 28.05.25
"La rémunération de la récolte couvre difficilement les coûts" - Pierre-André Cordonier - Agri 30.05.25

 

 

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